L’Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE) a fêté en novembre son quarantenaire au cœur des Journées de l’AFTE, l’occasion de se remémorer quarante années de collaboration entre trésoriers et, parfois, leurs interlocuteurs banquiers et autres consultants ou éditeurs. La collaboration est dans l’essence de l’association, elle a pris au fil du temps des formes variées, qui se sont adjointes plutôt que succédées. De la discussion sont nées les commissions, puis les guides de bonnes pratiques et enfin leur transmission par le centre de formation. Le trésorier aime à échanger et partager son expérience et sa pratique. Va-t-il entrer dans l’ère du partage des données ?
Partager avec ses pairs ou des inconnus des données, des mesures, ses humeurs et ses idées est le moteur de l’économie numérique, de l’économie de demain prophétisent certains, d’aujourd’hui constatent les autres. Cette forme d’échange, le troc des données, permet à de nombreuses activités de voir le jour en s’appuyant sur les interactions de leurs utilisateurs mises en corrélation et interprétées par l’intelligence artificielle. L’intelligence collective en 2017 pourrait donc se définir comme cette mise en relation de données et d’usages pour en tirer des « lois » sans que la collecte des informations ne pèse aucunement sur les acteurs des usages et possesseurs des données, pas tout à fait à leur insu mais presque… Bien que nous en constations tous l’intérêt en pilotant notre iPhone à l’aide de notre belle voix ou de notre index, nous avons toujours une réticence à savoir que Big Brother is watching us. Nous sommes prêts à partager, mais pas toutes nos données et pas sans qu’elles aient été au préalable rendues suffisamment anonymes. Pas non plus sans que les prestataires à qui ces données sont confiées ne soient considérés comme respectant des normes strictes de sécurité, de propriété, de confidentialité, d’usage restreint et défini, ce qui dans l’inconscient collectif n’est pas encore considéré comme acquis. A tort sans doute.
Dans le domaine d’activité du trésorier, nombreuses sont les applications que nous pourrions imaginer. L’activité de rapprochement bancaire et de lettrage comptable en est un premier exemple tant elle demeure, malgré les améliorations, insuffisamment automatisée. L’identification d’une règle par l’un d’entre nous, pourrait être suggérée, voire proposée par défaut automatiquement à tous les autres trésoriers qui rencontrent un même jeu de données /situations sans que ni l’un ni les autres n’aient besoin de formaliser un échange. Les particuliers le font déjà grâce à des applications comme Bankin’, LaFinBox et Linxo, qui utilisent la connaissance que chacun a de ses propres transactions bancaires pour améliorer la reconnaissance automatique des lignes d’extraits de comptes des autres utilisateurs du service. Une seconde application se trouve dans les prévisions de trésorerie, en partie fondées sur les lois d’encaissement et de décaissement. Autant le trésorier maîtrise ses décaissements, autant il ne peut que constater les écarts dans les encaissements. Mais est-il le premier à travailler avec tel client qui « paye mal » ? Ne pourrait-il pas profiter de l’expérience d’autres qui ont réussi à améliorer les délais d’encaissement en changeant telle ou telle donnée des factures ou de leur destinataire ? Pourrait-on ajouter à la notation des entreprises une note objective de bon ou mauvais payeur qui serait calculée automatiquement et modifiée en temps réel ?
Ces exemples, qui n’ont rien de révolutionnaires, pourraient être mis en oeuvre ; cela nécessite de passer d’un monde qui vit en silos plus ou moins connectés à un monde où les données et les usages sont partagés dans le but d’améliorer la vie (professionnelle) de tous. L’informatique de 2017, fondée sur les API, l’analyse des données et la modélisation des usages est prête. Les trésoriers le sont-ils ? La commission « fintech » pourra les y aider.
Article publié par Hervé Postic dans la lettre du trésorier N°345 Avril 2017